02 août 2006

Je veux mourir en bonne santé

J’ai 46 ans (je déteste ce chiffre, plus que 4 et c’est 50 et 50.. ça sonne mal). J’ai une valve cardiaque depuis 14 ans. Lorsque j’étais jeune et beau je faisais de l’athlétisme, du 400m haies. Je n’étais pas terrible mais je me défendais. J’ai même un titre, j’ai été champion du Rhône du 400 haies. Bon ok, le Rhône est un département minuscule (je crois le petit de France) et à l’époque les meilleurs sur 400 haies étaient à l’ASPTT de Saint –Etienne. Saint-Étienne c’est dans la Loire. Donc champion du Rhône.

Un jour le toubib m’a dit que j’avais un cœur qui faisait un bruit étrange, c’est le fameux « souffle au cœur » qui fait si romantique dans les romans pour jeunes filles.

Quelques années plus tard, j’étais photographe, je menais une vie de patachon plutôt plaisante, il a craqué. Hosto, valve, vie sédentaire, gras du bide.

Pourquoi ce titre ridicule ? « Je veux mourir en bonne santé » ?.. c’est une vieille blague que j’avais l’habitude de raconter pour exorciser la trouille que me file ce cœur rafistolé. Je fume (la pipe), je bois du café (pas d’alcool enfin pas souvent) et lorsqu’on me demande comment je peux à la fois être équipé d’une prothèse cardiaque et m’adonner à ce genre de truc (alcool, tabac etc..) je réponds que mener une vie saine c’est con.
Tout ce à quoi ça peut aboutir c’est de mourir en bonne santé, ce qui est vraiment du gâchis.

Au fond c’est vrai d’ailleurs, c’est vraiment con de mourir en bonne santé.
Ce qui m’a décidé à me remettre à courir ce n’est pas l’idée ce mourir en bonne santé mais plutôt celle de vivre comme si je l’étais en bonne santé..

En fait si je suis honnête je dois reconnaître que la décision de me remettre au sport (ça fait bien « remettre au sport », en fait j’ai arrêté il y a à la louche 25 ans, donc il s’agit plutôt de me « mettre au sport », mais remettre ça fait mieux, ça fait moins laisser-aller), la décision de me remettre au sport donc, est juste un changement de stratégie.

Je déteste ce cœur rafistolé qui va un jour ou l’autre m’empêcher de battre des records de longévité. Je le déteste d’autant plus qu’un jour il va falloir repasser sur le billard et ça me file une trouille bleue. Il paraît qu’aujourd’hui les techniques se sont sophistiquées et que c’est moins lourd, mais à l’époque où m’a mis cette valve, la chirurgie cardiaque c’était un peu de la mécanique lourde.
Pour m’ouvrir le cœur, on m’a démonté entièrement. Lorsque je dis « démonté entièrement » ce n’est pas une figure de style : sternum scié, cage thoracique grande ouverte, etc.. Au final, il m’aura fallu presque un an pour que tout revienne totalement en ordre (et plusieurs mois pour pouvoir dormir allongé). Bref, l’idée qu’un jour, cette valve devra être changée me file une peur bleue.

Alors pour exorciser le truc, je me suis mis à vivre « comme si » elle n’existait pas cette valve. Je fume, je picole de temps à autre et je prends mes anticoagulants de façon assez aléatoire.
Jusque là mon corps à tenu, ça va faire 15 ans bientôt que je baise cette foutue valve en m’asseyant sur les obligations auxquelles elle est censée me soumettre.

Le sport c’est mieux, parce que ma stratégie précédente consistait en pratique à prendre le risque de m’autodétruire dans des conditions pas glorieuses.
Avec le sport, je continue à emmerder cette valve et les précautions que je suis censé prendre, et dans le même temps je me façonne lentement une silhouette qui me plaît nettement mieux.
Bref, c’est tout bénef’.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Jai 44 ans et j'ai moi aussi une valve cardiaque depuis 4ans. C'est vrai que la chirurgie a un peu évolué, mais j'ai connu les mêmes travers physiques que toi. La première fois on y va pas de gaité de coeur, la seconde on y va avec la connaissance c'est pire... Par contre le traitement anti douleur est bien au point.

Ce qui fait le plus défaut, c'est l'encadrement phsychologique. Après mon opération je suis rentré dans un etat de délabrement psychologique que j'ai encore du mal à surmonter.

Et aujourd'hui je vis comme toi dans le trop ou le trop peu, dans l'excès ou la rigueur, oscillant perpetuellement entre la peur et la volonté de surpasser...

Luc a dit…

Tenez bon.
Mon expérience personnelle est que le sport est un excellent moyen de lutter contre le délabrement psychologique... c'est une manière assez sympa et valorisante de faire dans le trop (le trop peu est très vite emmerdant)